jeudi 30 juin 2016

L'habitude

La rue, calme souvent,
aux couleurs de la vie,
aux odeurs de campagne,
déroulait le ruban
gris de son macadam
sur le tapis feutré
du calcaire lézardé.

Quand au cœur du goudron
s'éventra large et bas
le cœur de l'univers.
Un ténébreux brouillard
s'évertua, têtu,
à brouiller les repères
et nous étions perdus.

Il faut bien peu de choses
pour s'égarer des jours
et perdre à tout jamais
ce qui fait l'habitude.


© andré elleboudt

dimanche 26 juin 2016

Dorée


La liberté s'éveilla un matin,
se sentant lasse et manquant d'appétence.
"J'en ai assez" se dit-elle. Elle pensait.
"Je crois que le monde erre et prendra le mur.
Des électeurs déçus de tout se trumpent
ou veulent se libérer et vivre or ban
ou encore marinent au gré d'illusions.
Quand je vois combien la rancœur farage
je crains le lever d'une aube… dorée"


© andré elleboudt

samedi 25 juin 2016

Ru saoulé



Car cette année-là, l'hiver, le printemps s'étaient donnés mot: mieux vaut se noyer qu'être sec et mort. La terre et sa vie conjuguaient au vert le verbe exister. Quand c'est trop ça nuit et tout disparut d'avoir bien trop bu. L'été, un marais, l'automne, longue crue. L'année s'écoula, comme un ru saoulé, un bien mauvais cru.

© andré elleboudt

samedi 18 juin 2016

Révolutionnaire


La rumeur amplifiait.
Des sons de tant d'odeurs,
de longs cris de couleurs,
des senteurs de douleurs,
des soupirs de misères,
les feuillus et les fleurs
entonnaient, incendiaires
et révolutionnaires,
le refrain aboyeur
du refus planétaire
de la pluie qui pissait.


© andré elleboudt

jeudi 16 juin 2016

... tel fils?


Du bout des doigts usés, ongles sales et terreux,
ils suaient, éphémères, sur le chantier perdu
d'un monde à rebâtir.
Face à eux, enterrés, les doigts graissés du feu
de leurs armes tueuses, ils regardaient, ravis,
l'effondrement des jours.
Ce quotidien banal devient le rituel
des moutards de la paix, des mouflets du conflit.

Les usines à malheur produisent au fil des jours
le lendemain du monde qui ignore, aujourd'hui,
à quoi ressemblera la volonté des gosses
de ces parents tués, de ces parents tueurs.

© andré elleboudt

samedi 11 juin 2016

Energie


On dit qu'il est obscur
le futur, le demain
dont on ne saurait rien.
Et dans nos nuits sans faim
c'est de lui dont sont faits
les rêves les plus fous.
Comme un repas de fête
parfois au goût du peu,
étrange et attendu.
Au-delà d'aujourd'hui
il digère un passé
lourd comme un pain trop frais.

Sa couleur en recueil
d'aversion ou de soif
nous affranchit de tout.
Les peurs en somnolence
et le plaisir en prime
sont quotidien des jours.
On dit qu'il est obscur
le futur, le demain,
l'énergie des matins.

© andré elleboudt

dimanche 5 juin 2016

Wallonie



Le train a démarré chargé de deux pandas.
En bout de voie ferrée un piquet l'attendait.
Des pneus et des palettes se consumaient pénards
sur le pont d'autoroute bloqué par des routiers.
Un airbus égaré se connectait en vain
à la tour de contrôle, isolée, esseulée.
Dans la cour de prison, des militaires inquiets
interrogeaient, méfiants, un délégué aphone:
"Quel serait le menu du repas de midi?".
Adossé à son bus, un chauffeur créatif
tapissait les parois d'un teck de qualité.

Le vété impatient menaçait d'être en grève
et de laisser mourir un petit bout de chair
que l'univers entier nous aurait échangé
contre la clé dorée d'une vraie paix sociale.
Imaginant alors le risque et le danger
d'un tel compromis fou, tous les gouvernements
bien rangés à l'abri dans un semi-remorque
aux couleurs de l'ONU et de la NVA
décidèrent, audacieux, d'offrir aux syndicats,
sans négociations, tout ce qu'ils exigeaient.
Le vété s'en alla rejoindre les pandas.
Les routiers échangèrent leurs revendications
contre l'album complet des Diables panini.
Les agents des prisons transformèrent, courageux,
leur liste de batailles contre un choix de recettes
sur barbecues-palettes pour l'été qui tardait.
A l'intérieur des bus les clients enchantés
découvrirent, fiérots, un mobilier classieux
rendant le goût au luxe, le seul emblème wallon.
C'est tout ça mon pays, je suis fier d'iesse wallon.
 


© andré elleboudt

samedi 4 juin 2016

Crayon musclé



Déposé, étendu,
le crayon attendait
que l'esprit en éveil
l'empoigne et puis le pose
sur la feuille impatiente.

Il savait d'expérience
qu'il était inutile
de se muscler la mine
pour jeter ou cracher
le cri du cœur ému.

Le ciel était au bleu,
l'humeur à l'éclaircie,
les doigts si déliés
qu'on attendait, serein,
la magie du langage.

Et soudain rien ne vint.

© andré elleboudt

Astre

Aux abonnés absents depuis beaucoup de lunes le soleil, ce seigneur, fit subir aux humains la nuit. Révolution! ...