dimanche 28 juin 2015

Noé
















A l'horizon d'un ciel ouvrant sur l'inconnu,
le bateau naviguait de hauts fonds en récifs.
La mer, en flots furieux, faisait tordre la nef,
le bruit et ses échos assombrissaient les cœurs.
La côte puis ses repères devenaient impassibles
tant la pluie et ses brumes paralysaient la vie.
La carène et le pont ne formaient qu'un seul lieu,
le feu de mât, muet, devenait transparent.
Soudain le gouvernail s'emballa, se brisa.
Sans pilote et sans cap, on lança les canots.
Ce fut chacun pour soi. L'esprit de corps défunt
tua les matelots et dispersa les biens.
Seuls les forts, les habilles s'endormirent aux rivages
abimés, mutilés, ignorants du destin.
Et le rafiot sombra.
                            La tempête passée,
l'aube claire, apaisée, questionna le futur.
Hier portait demain comme une ode au bonheur.

Tout est là aujourd'hui déconstruit et sans voix.

Le vent, porteur naguère de tant de démesure
s'en vint souffler aux cœurs des survivants troublés:
"C'est pas pour rien, l'humain, je t'avais averti.
A trop tirer dessus le fin fil s'est cassé.
Il est temps de penser à la terre, à ses dons,
à moins que de mourir."
                                   "Mourir? Et pourquoi donc?"

lundi 22 juin 2015

Pierre

Chapiteau, tête d'angle, clé de voûte ou rocaille, tu as connu les mains et la fécondation quand sorti de la terre sous les yeux du maçon, toi, caillou devint pierre, ta matière raison.
De temple ou d'aqueduc, de palais, de masure la pierre nous a donné à boire ou à manger; elle sait le goût de l'eau, de l'encens et des guerres, elle entend nos soupirs, elle sait le goût du sang.

mercredi 17 juin 2015

Premier pas





La haie des mots comptés,
l'ornière des pas qui coûtent,
barbelés des écueils;
l'audace devient élan,
le regard devient route,
de la main je te cueille.

mardi 9 juin 2015

Et si

 
Et si ce jour était
le début, nouveauté,
d'un temps de paix, de vie
sans appui ni soutien.
Un temps pour être seul
non pas de solitude,
plutôt d'autonomie
vivant sans alibi
que celui d'être bien,
d'être moi pour un temps.

samedi 6 juin 2015

Habits


Oui, les doigts s'agaçaient
souffrant d'une impatience,
d'une envie imprécise
les obligeant d'écrire
avant de savoir quoi.
Cela faisait des jours
des nuits sans doute aussi
que l'esprit s'était tu
n'offrant plus à la plume
que l'encre cristalline
d'une pensée absente.
 



Que le vide est pesant
lorsqu'il se fait moteur.


C'est l'essence du corps
qui ce jour-là décroît,
envahit âme et chair.


La vie se vêt alors
des habits du néant
dessinant de traits gris
chaque instant et les heures.

mercredi 3 juin 2015

Jamais

Débouchant tôt matin en régiments vissés
de partout en ma chair, de tout petits bonshommes,
les outils à l'épaule, s'en revenaient, fourbus,
de la pause de nuit.
Suant des heures durant aux quatre coins du corps
ils avaient poursuivi le travail entamé
il y a si longtemps, obéissant en chœur
à d'invisibles chefs.
Les termes du contrat qui les réunissait
étaient de tout casser et de ne rien laisser
qui donne du plaisir, suscite le bien-être,
embellisse la vie.
Et ils y parvenaient, foi de moi, et fort bien.
Ils hantaient tous les os, qui harponnant tendons,
qui écrasant phalanges, en surchauffant ceci,
réfrigérant cela.
Puis le corps se brisait, emportant avec lui
l'âme et tous ses états, le cœur avec ses joies,
l'esprit pour enrayer la force d'avancer.
Tout semblait s'arrêter.
Soudain, un journalier au cerveau plus conscient
proposa d'arrêter la guerre et ses dégâts.
Et très, très doucement, un goût de paix plana,
le calumet fuma.
En soirée commença un chantier lent et long,
chacun rebâtissant, au mieux qu'il le pouvait,
la vie et ses émois. Mais, cependant, jamais
rien ne fut comme avant.

Astre

Aux abonnés absents depuis beaucoup de lunes le soleil, ce seigneur, fit subir aux humains la nuit. Révolution! ...