mercredi 27 janvier 2021

Indicible

Elle se tient là, parée,

comme une entrée en scène.

Et déjà les idées

hésitent et se bousculent,

parfois enfin s'accordent.

Tout au fond de chacune,

les lettres impatientes

n'attendent qu'un signal.

 

Ce moment de magie,

inexpliqué et fou,

où trois doigts hésitants

déposent en bordées

des mots au goût d'amour

que la plume attendait

pour enfin libérer

son trop-plein de folie.

 

Et l'amant au taquet

s'apprête, radieux,

à coucher son amour

sur le fin papier blanc.

Parfois aussi la peine,

la rage retenue

ou la mélancolie.

L'amour au quotidien.

 

Le papier et la plume,

les trois doigts et le cœur,

cet étrange équipage

ignorant les usages,

claironnent la bafouille.

Exprimer l'inédit,

partager l'inouï

d'aimer, cet indicible.

 

© andré elleboudt

 

lundi 25 janvier 2021

Titre

Un regard s'est perdu dans le bleu du lointain et de l'immensité.

La lune comme un point qui se voudrait discret en devient irréelle.

Comme une voie lactée jetée là, au hasard, une tache grisonne ce qu'il reste de bleu.

 

Tout en-dessous du ciel, une longue bâtisse.

Telle une sombre ferme où tout s'est endormi.

Pas de vent, pas de vie et la terre blanchie, dirait-on par le gel.

 

Mais la vie, que d'ici on aurait dit absente, s'éveille des fenêtres comme la répartie des humains à la lune.

 

Le peintre à cet instant a clos le chevalet, nettoyé l'appuie-main et rangé les pinceaux. Puis, les doigts engourdis s'en est allé cueillir, dans l'aube qui perçait, un titre à son sujet.

 

© andré elleboudt


jeudi 21 janvier 2021

Nuiteux

Être bien, dans la nuit,

sans escale et sans foule,

quand le noir est clarté de l'impensé, du tu.

Les mots soudain se rangent.

Les idées signifient.

A l'allure du temps qui nuiteux ne se compte

la liberté éclot, s'épanouit, fleurit.

 

Le rêveur engourdi donne la cadence.

Ignorant le chemin, se moquant du destin.

Tout est en déraison

et l'esprit libéré vaque, erre et puis se perd

dans le plaisir naïf de tout ce qui se peut.

 

© andré elleboudt


samedi 16 janvier 2021

Courir

Tôt, avant le réveil, avant que délié

l'œil enfin balbutie l'éclat du quotidien,

l'esprit en messager annonce la grisaille.

Étrange intelligence, habileté bizarre,

ce savoir révéler avant que d'avoir vu.

Désobligeance aussi qui semble denier

le droit de décider de la couleur du temps.

Et dans la turbulence du matin innocent

la liberté de choix revendique le droit

de se déterminer. Il s'agira de nuit

ou de pleine lumière et la journée sera

aube claire ou sombreur. Le combat quotidien

d'un esprit abimé par l'indisposition :

chaque matin choisir alors que quand tout va

il suffit d'accueillir et boire le matin.

S'ouvre alors le chemin qu'au matin je voudrais

ignorer, éviter, qui cependant m'échoit.

 

Je rêve du matin où la pensée courrait

dans la rosée câline, liberté et saveur.

 

© andré elleboudt

mardi 12 janvier 2021

Musée

Une vue irréelle éveillant cependant

les images banales d'un quotidien vieilli.

Tout en haut, c'est le ciel, bleu mais à conjuguer

au temps de la soirée ou, qui sait, de la nuit ?

La lune qui se croit mais n'est qu'humble croissant,

ci et là des étoiles et les reflets de l'eau

aux vitres des maisons. Ce doit être une ville.

Allongées calmement au parapet d'un pont

des bicyclettes zieutent au ciel, un incident :

un être aux longs cheveux, une femme montée

sur un cycle volant dépasse le sommet

d'un clocher tout au loin. Tout devant, un canal.

Mansardé un regard dévisage, étonné,

cette dame au vélo. Assis dans un panier

dans le dos de la dame, un chat comme un forçat

pousse et fait avancer cet étrange équipage.

 

Puis soudain un appel. Le gardien du musée

prie tous les visiteurs de quitter le musée

en ne négligeant pas de ranger les vélos.

© andré elleboudt  


vendredi 8 janvier 2021

Puisqu'...

 

Puisqu'…
il fallait penser au rythme de la masse,
puisqu'…
il fallait rénover et rentabiliser,
puisqu'…
il fallait la santé mais ne pas trop coûter,
puisqu'…
il fallait réussir à l'école, au boulot,
puisqu'…
il fallait s'occuper quand on ne faisait rien
et puisque tout cela, ils étaient touchés. Tous.

On disposait de tout ce que prônait le flux.
Flux tendu, invention tout à la fois tempo,
énergie, résultat, … permettant à la masse
d'atteindre l'objectif dicté on ne sait où,
par on ignorait qui, auto-instituée
chimère d'un bonheur chemin de vacuité.

© andré elleboudt


dimanche 3 janvier 2021

Progrès

Au fond d'une ruelle, à la pause-café,
au repas de Noël ou après le JT,
au préau de l'école, au vestiaire du foot,
parfois à l'urinoir, … ce sont des mots amers
qui s'échangent sans joie.
 
Toujours encore et plus, et cependant bien moins
que peut-être demain. Faudra-t-il se plier
aux règles d'un joueur qui conçoit le besoin,
faisant ainsi de nous les pantins de son jeu.
Produisez. Jouissez.
 
Et quand ça n'ira plus, nous serons toujours là.
On vous éduquera, sans trop de personnel.
Oui, on vous soignera. Sans trop de personnel.
Oui on vous distraira si c'est bien essentiel.
Vivez sans trop penser.
 
Augmentant la cadence, sans trop le remarquer
vous vous adapterez, vous vous dépasserez.
Ce ne sont pas vos voix qui dicteront nos voies.
La planète suivra, le climat s'y fera.
C'est la voie du progrès.
 
Sur l'esplanade vide d'un hôpital en grève
je lis ce calicot vous compterez le fric,
nous compterons les morts. Des échanges sans joie.
Produisez, jouissez. Vivez sans trop penser.
C'est la voie du progrès.

 

© andré elleboudt


Astre

Aux abonnés absents depuis beaucoup de lunes le soleil, ce seigneur, fit subir aux humains la nuit. Révolution! ...