mercredi 27 mars 2024

Raton

 

C'est un si long chemin, fait de longues routines, de nombreux faits divers. Le rythme de son pas s'était accoutumé aux raidillons serrés, aux courbes imprévues, aux détours audacieux, aux replats monotones, aux abris bienfaiteurs. Et ce matin d'hiver – est-ce une étourderie ? – il ne retrouve rien de tout son quotidien.

 

C'est la vie, dit Raton, le souvenir pourtant des semaines et des jours passés à accorder tout ce qui pouvait l'être lui semble si pesant que cette information terrasse ses efforts. Les projets salutaires forgés avec ardeur, les audaces fécondes, les insuccès cuisants et les déconvenues surmontées âprement …

 

Ainsi donc ces tunnels, ces abris de fortune, ces efforts éperdus, … condamnés à renaître. Il lui faudra créer, inventer, planifier au seul mot de confiance en celui qui un jour il était devenu. Et perdu aujourd'hui. C'est la vie, dit Raton, des milliers comme moi empruntent chaque jour les chemins inconnus d'un printemps convenu, méconnaissant le prix de pareille odyssée.

 

C'est la vie, dira-t-on.

 

© andré elleboudt

vendredi 22 mars 2024

La porte

Fermée à double tour, sourde à la vie dehors.
Isolée par défaut, pareille à la muraille.
Réfractaire à la joie, résolue au duel.
Aveugle à la bonté, étanche à la tendresse,
Brutale du regard, rigide de pensées.
Tout en elle est silence.

La Porte du Dedans enferme derrière elle,
bien au cœur, à l'abri l'Enfant des Jugements
craignant de dévoiler la voix de ses silences.
Car ce petit seigneur tremble d'entrebâiller
la porte du dedans mettant à la lumière
tout le tu de sa vie.

Redouter de livrer les simples ressentis du temps qui le traverse
et remettre à plus tard ce qui à l'instant même libèrerait sa vie.

Alors que simplement il suffit d'exprimer
ce que vivre, parfois, fait naître de questions,
ou d'incompréhensions, de craintes ou de blessures.

C'est dans les mots, dit-on, que se cache la clé
qui libère la porte, la porte du dedans, gardienne des non-dits.


© andré elleboudt

samedi 16 mars 2024

Tu

Fermée à double tour, sourde à la vie dehors.

Isolée par défaut, pareille à la muraille.

Réfractaire à la joie, résolue au duel.

Aveugle à la bonté, étanche à la tendresse.

Brutale du regard, rigide de pensées.

Tout en elle est silence.

 

La Porte du Dedans enferme derrière elle,

bien au cœur, à l'abri l'Enfant des Jugements

craignant de dévoiler la voix de ses silences.

Car ce petit seigneur tremble d'entrebâiller

la porte du dedans mettant à la lumière

tout le tu de sa vie.

 

Redouter de livrer les simples ressentis du temps qui le traverse

et remettre à plus tard ce qui à l'instant même libèrerait sa vie.

 

Alors que simplement il suffit d'exprimer

ce que vivre, parfois, fait naître de questions,

ou d'incompréhensions, de craintes ou de blessures.

 

C'est dans les mots, dit-on, que se cache la clé

qui libère la porte, la porte du dedans, gardienne des non-dits.

 

© andré elleboudt

mardi 5 mars 2024

Lentement

 

Je m'étais alourdi encombré de pensées,

pâteux de trop de vie, oppressé par mes choix .

Je me sentais captif d'un habit trop étroit,

gonflé de certitudes, empli de préjugés,

aveuglé de pensées.

 

La vie que j'habitais, bâtie sur des années

de confort et d'efforts, me protégeait, croyais-je,

de ce que j'exécrais. Cependant ma demeure,

par manque d'entretien et par trop d'assurance,

s'en vint à fissurer.

 

Elle ne s'écroula point. Lentement se défit.

On fit appel alors à ce que l'on trouva

de potions, de remèdes. Rien n'y fit ou si peu.

On jugea nécessaire d'ausculter plus avant

fondations et ciments.

 

De ce qu'on découvrit on garda le meilleur,

tâchant d'évacuer l'instable et le fragile.

Le tape-à-l'œil aussi. Une fois mise à nu

vint la restauration de cette jouissance

en voie de guérison.

 

Un artisan soigneux riche de qualités,

philosophe dans l'âme apporte chaque jour

le juste ce qu'il faut à l'apprenti maçon,

maître de l'édifice. Et lentement la vie

trouve joie d'habiter.

 

© andré elleboudt

samedi 10 février 2024

Bialetti
 
Agrippé, silencieux
au métal chaud et lisse
d'une bialetti,
il refusait, vexant,
de partager son âme.
Il n'était pas rebelle,
juste un rien obstiné ;
il ne souhaitait pas
contenter les palais
des belles et des précieux
aux petits doigts dressés.
Pourtant tout s'accordait.
Le noir était seyant,
profond et élégant.
Mais il manquait au goût
juste un rien de foufou
qui l'eût rendu corsé.
Voilà que je comprends
certains jours quand je rame :
c'est qu'il me manque un grain,
petit grain de folie.
Alors, sans hésiter,
je me fais un café,
et un café serré,
entier et bien corsé
coulant enorgueilli
de la bialetti.
 
© andré elleboudt

mercredi 10 janvier 2024

Lutins

Pourquoi les mots parfois sont-ils creusés de trous

où chacun peut cacher le sens qui lui convient?

Et pour quoi les écrire si on y tait, sournois,

une intention secrète, la lettre masquant l'être ?

 

Les mots sont des lutins quittant les soupiraux

de nos secrets voilés, aérant nos consciences.

Ils jouent, pour qui entend, du flûteau, du cromorne

et se font messagers du ciel ou de l'enfer.

 

Car ce sont nos esprits qui décodent, hésitants,

les sens et contre-sens de l'entrelacs des lettres.

Les mots se sont criblés et nos pensées y fouillent

les souches et les racines qui nourrissent nos vies.

 

© andré elleboudt


vendredi 5 janvier 2024

Goûter

La gorge en feu, enflée de tant de mots recuits.

Des mots trop fricassés pour être savourés.

Un goût de temps perdu vomissant les saveurs.

 

Rêver d'être muet ou bien sourd ou les deux.

Protéger tous ces mots qui sont ma vérité

et risquent de fâcher les éloquents du Vrai.
Refuser les débats qui causent et rien ne disent.

 

Entretenir serein le pré de mes silences.

Donner l'oreille aux mots sur des pages de sable.

De la sorte, peut-être, goûter la compagnie.

 

© andré elleboudt

Raton

  C'est un si long chemin, fait de longues routines, de nombreux faits divers. Le rythme de son pas s'était accou...