dimanche 27 juin 2021

Tailleur

Un tailleur me disait

que, peut-être, qui sait,

on commettait l'erreur

de vouloir effacer

les traces du passé,

enfouissant la mémoire

au foyer de l'oubli.

Vous savez, me dit-il,

à force de jeter

les objets, les images

de notre vie passée,

le tissu de nos vies

mincit et se déchire.

Car pour un être humain

s'ôter les souvenirs

c'est, pour un vêtement,

s'arracher la doublure.

 

© andré elleboudt


samedi 19 juin 2021

Cuisine

J'ai allumé le gaz

et posé le poêlon

de l'eau de la tisane

que pour toi ce matin

j'avais mis à chauffer

afin que ton réveil

ne soit que volupté.

 

L'odeur de camomille

s'échappant en volutes

m'a soudain fait penser

à ce soir de décembre,

assis au coin du four

attendant que soit prêt

le gratin de chicons.

 

Le ronflement câlin

de l'eau se réchauffant

en bouillons chaleureux

a ouvert un espace.

Tu étais là joyeuse

et tu m'as regardé.

L'amour, je crois, régnait, 

sa cuisine opérait.


© andré elleboudt

 

 

 


samedi 12 juin 2021

Parfois

On peut se faire à tout, enfin, à presque tout. On naît, on marche, on vit, on avance et parfois on prend un mur et paf ! Se mettent alors en place des trucs et des essais, des stratégies parfois, pour avancer encore.

Et ainsi va la vie. On retrouve un semblant de cette vie d'avant se traçant, malgré elle, les voies et les chemins de la reconstruction. Observé de la sorte, cela semble tenable. Mais c'est sans se soucier de sa réalité.

"Faire avec" a un prix. "Trébucher" ralentit. "Innover" me malmène. "Redémarrer" secoue. "Se planter" me fait mal. La vie est ponctuée. Guillemets guillerets si ma foi on parvient à sourire, les deux pieds dans la merde.

On veut se faire à tout, souvent à presque tout. Vivre, c'est éprouvant. Pas tout le temps. Parfois.

© andré elleboudt

 


lundi 7 juin 2021

Susceptibilité

Le voilà haut, si haut et pourtant là, tout près,

comme une fulgurance, une ombre inassouvie…

 

Et en un rien de temps passer du calme plat

aux tempêtes fatales qui brisent et qui font mal…

 

Le voilà qui soudain touché par qui sait quoi

il explose et son vol est toute foudroyance…

 

Et dans un face à face où les regards se figent

les mots se font silence et les souffles blessure…

 

Le voilà qui alors, fuselé, envoûté

se rue sur la quintaine et déjà se repait…

 

Et le feu de froideur corrode son esprit,

il bondit et s'abîme. Et l'autre s'interroge…

 

Le voilà déposé au-dedans de la cible,

ébouriffé, ravi contemplant les reliefs…

 

Et folle plus que lucide, éveillée là en moi

comme une déchéance… susceptibilité.

 

© andré elleboudt

 


jeudi 3 juin 2021

Blague

C'est un juif qui un soir…

Et sa blonde au volant…

Puis l'enfant noir, très noir…

Et l'homo répondit…

Au fond de la mosquée…

…mais non, c'est une blague !

 

Peut-on rire de tout ?

Ose-t-on aujourd'hui

répondre à la question ?

Un jour, qui peut le dire,

on rayera des dicos

"blague" et autres gros mots.

Pensez donc, où va-t-on ?

Chansonnettes étudiantes,

allégories lascives,

caricatures, BD

et textes littéraires,

débats politiciens, …

Bientôt il nous faudra

conjuguer et manier

aux modes du correct

les objets de pensées,

les choses de la vie,

de la vie politique,

des choses religieuses,

et puis de tout ce sexe…

On jette ce qui choque

tous les esprits chagrins.

On oublie à jamais

tout cela qui offense

et tout ce qui se moque.

Surtout, par-dessus tout

on fusille à jamais

tout le second degré

que les âmes fragiles

ne peuvent supporter.

Deviendrons-nous alors

des humains sans humour

formatés au tout clean.

Mots grivois ou grossiers,

et cet humour grinçant,

tout ce qui nous fait rire,

car oui, cela fait rire.
Finito. Terminé !

On racontait des blagues,

des roses, des rosses aussi.

Mais ça c'était avant.

Le genre, la race, le sexe,

la religion, fini !

On ne rit pas de ça.

 

On oublia de rire.

On sourit aujourd'hui,

heureux de ne blesser,

et ça ce n'est pas rien,

aucune, je dis aucune,

susceptibilité.

Mais non, c'est une blague !

 

Enfin, sait-on jamais ?

 

© andré elleboudt

mardi 1 juin 2021

Mardi

Un entrelacs de vert cache le fond du ciel.

La vie s'offre, allumée, les ombres se chamaillent.

Dehors, le chant gris noir d'un passant maraudant

éveille les soupçons. A part cela, tout va.

Dans le cœur du marcheur le temps passe et s'en va.

Des sentiments se heurtent et parfois se bousculent.

Ce n'est pas rien d'être par un temps de grisaille.

 

L'eau coule du bec. Le joyeux arrosoir

comme chaque mardi achève son labeur.

En un chant harmonieux les plantes remercient

le passant généreux pour les soins prodigués.

 

© andré elleboudt

Astre

Aux abonnés absents depuis beaucoup de lunes le soleil, ce seigneur, fit subir aux humains la nuit. Révolution! ...