Un jardin dans ma
vie est chose capitale. Je n'y compte mes heures et le laisse advenir selon ses
volontés. Je reconnais, parfois nous sommes en désaccord. Chacun sa propre vie
et nous nous respectons. Chacun donne et reçoit. J'aime les floraisons,
surprenantes beautés. Toutes n'apportent pas égale volupté, c'est bien cela la
vie. Le jardin est rempli de petites coquettes, de grands beaux efflanqués. Narcisse
est séducteur, comme tant d'autres fleurs.
Je connais un narcisse
(Nartsiss Munira Petula) exécrant le bouquet. Il accepte assez mal la
présence de sœurs qu'il a tôt fait, vicieux, d'étouffer, de tuer. Lot des
rivalités. Ce fier narcisse et moi tâchons quand c'est possible de ne plus
commercer. Ce gars-là est toxique. De cela je suis sûr.
*
Au jardin de ma vie
je découvre, ébranlé, que ce seul exemplaire (Nartsiss Munira Petula) possèderait,
qui sait, un pouvoir maléfique. Et si je l'interroge voilà qu'il me répond "tu
ne peux inventer de telles médisances, je ne fais que porter ma beauté pour te
plaire". Nartsiss Munira Petula, un chef en diversion ou
peut-être un menteur, qui sévirait, rumeurs, en dehors des jardins ? Il aime
qu'on l'admire, fait tout pour être vu. Et s'il peut nous séduire, ce sont ses
mots alors qui nous éblouiront, captureront nos vies. Tout cela selon lui, pour
notre plus grand bien. Faire ce qu'il ambitionne, son bonheur assuré. Et son
plus grand plaisir, c'est nous faire payer chaque pas de côté ! A la moindre
lacune, à chaque hésitation, nous devenons la proie. Alors, ô jouissance, il
nous déstabilise, distille son pouvoir tel un fourbe vaccin. Pour notre bien,
s'entend. Il nous sera dédié pour peu que l'on le suive. Il soigne son
feuillage, il est irréprochable, vous dirait comment faire pour paraître, avoir
l'air et s'il trouvait vos mots vraiment trop ordinaires, il porterait sans
peur, le frac académique.
Diantre, au cœur du
bouquet, c'est l'émoi et le drame. Celles qu'il a charmées, ceux qu'il a
enjôlés roses tendres et bleuets, graminées et branchages fanent et puis
dépérissent, se paralysent et gâtent. Il est dit que Nartsiss
s'enorgueillit, royal, au rythme de nos ruines.
Cette fleur de
printemps ne fait foi de ciel bleu ! Si dans notre jardin, au fond de nos
parterres sommeillent des narcisses vérifions qu'ils ne sont de cette confrérie,
Munira Petula. Nartsiss en son discours lentement, patiemment nous
berne, abuse et trompe puis enfin débâtit. Nartsiss dont rien n'exhale comme
un parfum pourtant lentement empoisonne.
"Toi tu
réfléchis trop, viens donc je peux t'aider… Tu es bien trop sensible, allez, fais-moi
confiance… Si vraiment tu m'écoutes, confiance, ça va aller… C'est toi qui tout
inventes… Suspicion dans ta tête… Moi te vouloir du mal…"
*
J'aime bien les
narcisses. Et j'aime, également, les fleurs de nos jardins, beautés sans
prétention qui sans arrière-pensées embellissent la vie, heureuses d'être là entourées
des semblables. Le jardin dans ma vie est un hôte de choix. Je n'y compte mes
heures et le laisse advenir. Un morceau de bonheur. Une beauté gratuite.
© andré elleboudt