mardi 28 novembre 2017

C'est vrai




Un ru dévalait, fou,
entre tourbe et racines,
empressé qu'il était
d'atteindre le ruisseau.

Il oublia bien vite
l'origine modeste,
l'odeur et la couleur
de son lit montagnard.

A peine s'élargit-il
que déjà il sentait
les humains au travail
de villages en bourgades.

Rencontrant au hasard
des rives moins pentues,
il se noya fougueux
dans un bras de la mer.

Il se jugea géant.
Cependant une goutte,
étonnée du chahut,
questionna le titan.

"Aurais-tu, Ô grandeur,
mémoire de ta source?"
Car c'est vrai, en effet:
que serions-nous sans elle?


© andré elleboudt

vendredi 24 novembre 2017

Narcotique et cruelle




Un jour, j'étais ému.
La vie m'avait donné
un moment de douceur
et tout était permis.
Je me sentais parti
et de la tête au cœur
j'allais tout affronter,
ça oui, j'étais ému!

Habillé de ma force
je fonce avance et ose.

Je me casse le nez.
Suis déprimé, inerte.
Les projets me désertent.
Le culot ravalé,
voilà, je me dépose.
Se brise l'écorce.

L'émotion porte en elle
le moteur et les ailes.

Parfois elle est rebelle,
narcotique et cruelle.


© andré elleboudt

mercredi 22 novembre 2017

finitUde




J'aurais pu, n'ai pas su.
J'ai voulu, j'y ai cru.
J'avais bu puis j'ai lu.

Je m'y suis résolu
et, fourbu, j'ai couru
puis je suis revenu.

Ma vie relue, j'ai pu
exister, résolu
et sans malentendu.

Et si toi, tu m'as cru,
que tu me sens foutu,
c'est que moi je t'ai eu.


© andré elleboudt

samedi 18 novembre 2017

Copinage


 
Au matin, au réveil, juste avant le soleil,
quand l'aurore est au gris, bien avant d'être pris
dans le blanc de mes yeux, entre cendre et gris bleu,
à quoi bon tant de peine, la vie vaut-elle ses peines ?
Ma vie inachevée, chaque soir reste bée;
alors naissent la peur, l'inconnu, trop de peur.
Dans le dos tu me pousses; un germe à la rescousse
croît en moi et avance, un grain, une semence.
Mais ce n'est pas donné, 
posé à fleur de peau,
c'est au fil de mon eau 
que je suis débarqué.

Le mal souvent me heurte et parfois me rend fou,
quand le vide alors flirte, m'enferme ou bien me coud,
aux fontaines je bois, aux tables je m'étends.
Voudrais-tu croire entends et pourquoi pas pour moi ?

Un trait frêle, une courbe, je doute bien encore,
je m'arrête et je plonge et parfois même coule.
Un passeur attentif me ramène et me sauve.
La peur vient de faire place au seul plaisir de vivre.
La peur et le plaisir, étrange copinage.

© andré elleboudt

dimanche 12 novembre 2017

A qui voudra se reconnaître... sans en faire un film....



Sexe, annexes et latex, 
           dictateur du tuyau,            
proconsul du phallus,
dès que de ton pouvoir
tu as éclaboussé,
dis-moi, qu'as-tu prouvé
sinon ton impuissance.
Ce n'est pas dans ta bite
que ta grandeur habite.

© andré elleboudt

jeudi 9 novembre 2017

Abattu(e)s




Sans doute et sans façon,
sans crainte du pouvoir
et sans savoir pourquoi,
à l'abri de leur feu,
dans tant de rues d'ici,
d'ailleurs et de partout,
pas à pas, par à-coups,
à l'ombre de cagoules,
commandités et forts,
ils disent sans paroles
ce que certains abhorrent
au nom de leurs trafics.

Et ainsi disparaissent
tous les jours un peu plus
l'audace quotidienne,
la vie inestimable,
les mots indispensables
d'écrivains-reporters,
de journalistes héros
abattues, abattus
pour la force des mots.

© andré elleboudt

dimanche 5 novembre 2017

Confort visuel




C'est un aveugle, un jour,
qui me dit à l'oreille
le bonheur qui est mien
d'assister de visu
au théâtre du monde.
Je ne comprends pas bien
en quoi je suis heureux
d'être témoin béat
du quotidien fugace
de la vie des humains.
Face aux folies atroces,
aux idées mortifères,
aux actions criminelles,
aux mots stigmatisants,
j'abaissais la visière.
Je ne regardais plus,
et je n'écoutais plus,
et je ne pensais plus,
simplement j'oubliais
ce qui me dérangeait.
Et tant pis pour celui
et puis tant pis pour elle
qui subissaient, outrés,
tous ces flots de vomi,
ces chieries répandues.
Et ma foi j'étais bien.

Je me suis souvenu
d'un vieux cours de psycho :
l'esprit sait refuser
de voir ce qui le gène.
Et bien plus fort encore,
l'esprit peut refuser
de voir ce qu'il refuse.

C'est vraiment bien pratique
la vision sélective.

© andré elleboudt

jeudi 2 novembre 2017

Passé... futur?



Sur un mur italien,

de belle facture, taggué,

quelques mots estompés.

"No… Santo… passato,

…peccato… futuro[1]",

signés François, le pape…

Je finis le puzzle

et me mets à penser

sans souci religieux.

Sans foi, sans loi. Les mots.



Les mots se donnent à voir :

le passé qui construit

chacun d'entre nous tous,

le futur en suspens.

Prisonnier du passé,

à tout jamais plombé ?



Puis ce futur sans nom

où chacun pourra être

la chose et son contraire.

J'ai été le passé,

je serai le futur,

oui, tout cela est sûr.



Si je suis le héros

d'un passé glorieux,

mon demain sera-t-il

voie royale et splendeur ?

Mon passé est tout noir,

et ma dette éternelle ?



Quant au futur, nous tous

le souhaitons meilleur,

sans soucis et sans heurts.

La force du passé

serait-elle dans le joug ?

Et l'attrait du futur

un jour immaculé ?



Je ne suis sans passé

dans un futur sans nom.

© andré elleboudt


[1] non c'è Santo senza passato, né peccatore senza futuro

Astre

Aux abonnés absents depuis beaucoup de lunes le soleil, ce seigneur, fit subir aux humains la nuit. Révolution! ...